Ce week end serait un week end parfait. D’un commun accord avec Benjamin, je pouvais garder les jumeaux pendant deux jours complets. Pas plus pour le moment, c’était assez compliqué, mais nous ne voulions pas trop les brusquer avec les nouvelles habitudes que nous allions prendre par la suite. Quoiqu’il en soit, Hugo et Mathéo étaient aux anges.

Au matin, atelier patisseries, qui avait rapidement fini par un passage à la salle de bain pour nettoyer quelques restes de farine suite à leurs espiègleries. Il était convenu que nous irions au parc l’après midi. J’étais vraiment ravie de les avoir avec moi. Malgré mon quasi abandon, notre complicité était rapidement revenue. Les jumeaux semblaient un peu timide au début, puis les barrières étaient rapidement tombées. Je me doutais évidemment qu’un jour, le temps des questions viendrait. Alors j’allais profiter des journées comme celles ci, pour leur prouver que je les aimais plus que tout, malgré ce que j’avais fait.

Le parc était l’endroit parfait pour les jumeaux. Des toboggans, balançoires et tout un tas d’autres activités qui me paraissaient quelque peu risquées si je détournais le regard seulement quelques secondes. Alors je ne les lâchais pas des yeux, admirant leurs bouilles adorables, profitant de mon rôle de mère. J’avais de la chance que Benjamin m’ait permise de les avoir, et de les revoir si rapidement. Je comprenais parfaitement sa rancoeur, mais lui savait parfaitement que nos enfants avaient besoin de moi, même si je n’avais pas été exemplaire.

Je les vis soudainement se diriger tout sourire vers quelqu’un. Et je constatais avec embarras qu’il ne s’agissait nul autre que de Tiphanie. Elle ne m’avait pas vue. Je me pinçais la lèvre inférieure, réfléchissant à toute vitesse sur quoi dire, quoi faire. Nous n’étions vraiment pas les meilleures amies du monde mais je ne voulais absolument pas faire paraître des tensions devant les enfants. Croisant les bras sur ma poitrine, je m’approchais. « Salut Tiphanie. »

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Hors de question que ma bonne humeur passe à la trappe pour une rencontre qui allait s’avérer de courte durée. Du moins, je l’espérais. Certes avec Tiphanie le courant n’était jamais véritablement passé, mais avec mon retour, je voulais faire les choses bien. Il était clair que nous ne deviendrions jamais les meilleures amies du monde, mais nous allions tout de même éviter le scandale, en public en plus de ça. J’eus un pincement au coeur de voir mes enfants se précipiter vers elle pour l’enlacer. Il était vrai qu’ils avaient vécu ensemble pendant un moment. Peut-être qu’ils l’avaient considérée comme une maman de substitution. Mon coeur se serrait un peu plus. Que pouvais-je contre ça ? C’était de ma faute après tout. Je réalisais là un peu l’ampleur de mon égoïsme. J’étais délibérément partie, espérant que rien n’aurait changé à mon retour. Décidément, mes prochaine décisions me prendraient beaucoup plus de temps de réflexion.

Les laissant échanger quelques instants, je finissais finalement par m’approcher les bras croisés. Je me forçais même à sourire un peu, sourire qui finalement n’était pas si hypocrite que ça. Tiphanie restait neutre. Je me devais de l’être moi aussi. Je sentais néanmoins la pointe d’intérêt dans sa question sur mon déménagement. « Définitif oui. » Affirmais-je d’une voix claire. Je savais pertinemment qu’elle préférerait me voir ailleurs qu’à Phoenix. « Je me suis rendue compte qu’il fallait réellement que je me rapproche de ma famille. » Je fis une caresse dans les cheveux de Mattéo, comme pour appuyer mes propos. « Quoi de nouveau pour toi? Ca fait longtemps que tu ne vis plus avec Benjamin ? » Autant aborder le sujet tout de suite. Je savais à quel point ils étaient proches et j’avais aussi saisi l’ambiguité entre eux. Evidemment ça ne me plaisait pas, bien qu’entre Benjamin et moi, il n’y avait plus rien pour le moment.

Au fond cette discussion n’avait rien de normale. Simplement deux rivales qui tentaient d’avoir des informations sur la vie de l’une et de l’autre. Je ne savais même pas expliquer pourquoi sa présence m’exaspérait autant. Vu que nous avions abordé Benjamin, je préférais éloigner les jumeaux quelques instants. Hors de question qu’ils écoutent la conversation et se fassent de fausses idées, ou de faux espoirs. « Les enfants ? Ca vous dit d’aller à la balançoire ? Je vous rejoins dans quelques minutes ! » Rien de risqué, la balançoire était à peine quelques mètres.

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Avec tout ce qui s’était passé dernièrement, les horaires de folie que Tiphanie faisait à son travail, elle devait avouer qu’elle avait beaucoup moins l’occasion de voir les jumeaux de Benjamin. Auparavant, elle les voyait quasi tous les jours puisqu’elle était en colocation avec Benjamin. Ça faisait un peu plus d’un an qu’ils avaient pris leur indépendance, chacun prenant son appartement. Depuis, elle ne pouvait plus voir Hugo et Mathéo tous les jours comme avant. Ils grandissaient à une telle vitesse qu’elle avait l’impression qu’ils avaient pris 10cm à chaque fois qu’elle les voyait.

Elle ne s’attendait pas à les voir en traversant le parc, perdue qu’elle était dans ses pensées et sa journée. Ça lui faisait plaisir, ça se voyait au grand sourire qu’arborait Tiphanie. Pour ne pas changer, elle ne put s’empêcher de remarquer qu’ils avaient encore grandi. Les deux petits garçons étaient tout aussi contents de la voir. Ils parlaient en même temps, ce qui faisait rire Tiphanie. L’un comme l’autre avait des choses à raconter. La jeune femme se demandait avec qui ils étaient au parc. Benjamin devait être encore au travail alors elle supposait que c’était la fille au pair qui était avec eux.

Tiphanie eut rapidement sa réponse en voyant Hoda arriver. Elle était revenue à Phoenix elle ? La jeune femme ne laissa rien paraitre parce que les jumeaux étaient là. Les querelles d’adultes restent entre adultes. L’aînée O’Malley était curieuse de savoir si Hoda était rentrée définitivement. Visiblement, c’était le cas. Ah… plus d’école en Europe ? Tiphanie n’était pas totalement convaincue même si Hoda affirmait s’être rendue compte qu’il fallait qu’elle soit proche de sa famille. Non, sans blague… Tiphanie la regarda, sceptique, mais ne fit aucun commentaire. Pas devant les jumeaux, ce n’était pas la peine de les embêter avec ça.

Hoda enchaina en posant à son tour des questions à la jeune femme. « Ça fait plusieurs mois oui. La villa était un peu grande, je l’ai revendue pour acheter un appart avec une super piscine, pas vrai les garçons ? ». Les jumeaux étaient déjà venus et effectivement, avec la chaleur de Phoenix, ils étaient toujours contents de pouvoir passer l’apr_s-midi dans la piscine. Hoda devait être ravie que Tiphanie ne vive plus sous le même toit que son ex. Et que ses enfants. C’est vrai que depuis, elle était moins proche des jumeaux, elle devait bien l’admettre. Peut-être Hoda espérait qu’ils ne se voient plus du tout ou quasiment pas ?

La jeune maman suggéra à ses fils de retourner jouer, les laissant seules. Tiphanie les suivit du regard les garçons courir jusqu’aux balançoires. Comme ça, ils ne les entendaient pas mais restaient sous la surveillance de leur mère. Le regard de Tiphanie se reporta sur Hoda. « Définitivement revenue ou c’est en attendant de trouver un poste dans je ne sais quel pays ? »

Tiphanie avait toujours été proche de Benjamin. C’était ainsi et cela serait sans doute toujours le cas. J’avais réellement essayé de faire des efforts, et je me doutais pertinemment qu’elle aussi. Seulement, maintenant que Benjamin et moi n’étions plus ensemble, elle n’avait plus aucune raison d’en faire. Mon coeur ne pouvait que se serrer lorsque je voyais mes enfants si proches d’elle, et l’apprécier d’une façon quasiment démesurée. La jalousie est un sentiment affreux mais malheureusement il ne se contrôle pas. Et face à Tiphanie, je ne pouvais être que jalouse. Elle aurait toujours la bonne place, le bon rôle.

Elle me confiait s’être achetée un appartement avec piscine, qu’apparemment mes enfants avaient déjà visité. Je me retenais de lever les yeux au ciel. Facile, d’embobiner des enfants avec des choses matérielles. Elle était tellement agaçante. Mais j’étais tout de même soulagée qu’elle ne vive plus avec mes enfants et Benjamin. Même si j’avais du mal à y croire, je me disais que cela pouvait éventuellement les éloigner ne serait-ce qu’un peu. « Génial, je suis contente pour toi. » Hypocrite que j’étais, je lui offrais même un sourire.

Je sentais l’ironie dans sa voix lorsqu’elle me demandait si j’étais définitivement revenue ou non. Evidemment, trouver un poste à l’étranger était une occasion en or pour se construire un CV en béton mais ça n’était pas dans mes plans. Un semestre en Europe, c’était suffisant, ça valait bien assez. Et puis j’avais fini par comprendre que c’était ici qu’était ma vie. Que je ne devais plus partir, que je ne devais plus rien manquer de la vie des jumeaux. Dommage pour elle, j’imaginais que cela lui ferait sacrément plaisir que je reparte loin, mais ça n’était pas prêt d’arriver. J’avais promis. « C’est vraiment définitif. Je ne repartirais pas. » J’avais souris tout en croisant mes bras. Au moins c’était clair. « En tout cas, c’est gentil de t’être autant occupé d’eux. Je suis sure que ça a beaucoup aidé Benjamin. » Je jetais à nouveau un coup d’oeil aux jumeaux avant de reporter mon attention sur elle. Assez parlé de moi, c’était à son tour. « Quoi de nouveau de ton côté ? » Peut-être que j’allais réussir à avoir des informations intéressantes...

Tiphanie et Hoda ne s’étaient jamais vraiment bien entendues. Il y avait eu un peu de jalousie au début, sûrement à cause de la proximité entre Benjamin et elle. De leur passif aussi. Ou peut-être était-ce également la relation tumultueuse entre Benji et Hoda qui n’avait pas plaidé la cause de cette dernière aux yeux de Tiphanie. La cerise sur le gâteau avait été quand Hoda était partie en Europe pour ses études, laissant Benjamin seul avec les jumeaux. Ça avait achevé la bonne entente relative entre les deux femmes.

Malgré tout, Tiphanie ne voulait pas faire de scène face aux jumeaux. Ils n’avaient pas à subir les mauvaises ententes des adultes. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu Hoda. À vrai dire, elle ne savait pas vraiment que la jeune mère était revenue à Phoenix. Depuis son départ, les choses avaient changé. Benjamin et Tiphanie s’étaient mis en colocation, elle l’avait aidé avec les jumeaux, elle avait pu les voir grandir. Puis finalement Benjamin avait pris son propre chez lui avec ses fils et Tiphanie avait vendu sa maison pour acheter un appartement. Seule, la maison était beaucoup trop grande. Elle n’avait plus de jardin mais l’avantage de l’appartement, c’est qu’il est au dernier étage avec accès au toit et sa piscine.

Et la piscine, les enfants adoraient. La preuve, Hugo et Matthéo approuvaient. Hoda était moins enthousiaste que ses fils. Elle se contenta de plaquer un sourire sur son visage et lui dire être contente pour elle. Tiphanie lui rendit son sourire, sûrement tout aussi hypocrite. Elle se doutait que ça ne devait pas plaire à Hoda que Tiphanie s’entende aussi avec Benjamin et leurs enfants.

Hoda était là aujourd’hui mais Tiphanie se demandait surtout si elle était ici pour les vacances ou définitivement de retour. On ne savait jamais avec elle. Un petit espoir ? Peut-être un peu… Mais en même temps, c’était sûrement pour les garçons que leur mère soit présente. Tiphanie n’était peut-être pas très agréable cette fois avec sa question. Une pointe d’agacement et d’ironie sûrement. Visiblement cette fois, Hoda était revenue pour de de bon, elle ne comptait pas repartir. Hoda lui fit un sourire, croisant les bras avec un air déterminé. « C’est bien. »

Hoda prit quand même la peine de la remercier, pour s’être occupé de Hugo et Mathéo et d’avoir aidé Benjamin. « Ce n’est pas grand-chose, ils sont adorables ». Par réflexe, Tiphanie aussi jeta un regard aux jumeaux qui jouaient jute à côté. Ils étaient tellement insouciants et innocents. La jeune maman changea de sujet, posant des questions sur la vie de Tiphanie. Cette dernière haussa des épaules. « Rien de vraiment nouveau, je m’installe dans mon nouvel appart’. J’ai pas mal de boulot en ce moment mais on fait avec. J’avais un peu de temps cet après-midi, pour une fois, je voulais rejoindre Calum et je suis tombée sur toi et les jumeaux ». Elle n’avait pas spécialement envie de s’étendre sur sa vie devant Hoda. Elle ne lui faisait suffisamment pas confiance.

L’ironie dans tout cela, c’était que beaucoup me reprochaient d’être partie loin mais que ces personnes n’avaient pas pour autant envie que je revienne. Et je savais pertinemment que Tiphanie faisait partie de cette catégorie de personnes. Je ne voyais pas trop bien pourquoi nous n’arrivions pas à nous entendre. Le courant n’était jamais passé certes, mais nous avions grandi non ? J’essayais vraiment de me convaincre que nous étions suffisamment matures pour faire un effort, mais c’était plus fort que nous. La présence de l’une et de l’autre, ensemble, c’était juste l’hypocrisie à l’état pur, de la tension et de l’énervement. Et une pointe de jalousie de mon côté.

Ca me tuait d’imaginer mes enfants se forger d’incroyables souvenirs en sa compagnie, dans sa piscine. Elle avait certes été là pour aider Benjamin et je lui en étais reconnaissante, mais cela faisait mal de se dire qu’à un moment, j’avais presque été remplacée. Qu’elle avait su prendre mon rôle et qu’elle avait surement aimé ça.

Son ‘C’est bien’ sur mon retour voulait tout dire. On était à peine dans le jugement avec ce ton qu’elle employait. Je lui laissais savourer ce moment. Après tout, tout le monde m’en voulait, et elle, tout le monde l’appréciait. Qu’elle n’en profite pas trop. Les choses pouvaient toujours basculer d’un jour à l’autre. Je l’avais tout de même remerciée de s’être occupé des enfants. C’était la moindre des choses. Même si je crevais de jalousie, une présence féminine les avait peut-être aidé pendant tout ce temps ou je n’étais pas là. Elle disait avoir du temps libre ce jour ci et qu’elle devait rejoindre Calum à la base, du moins avant que l’on ne se croise par le fruit du hasard. « Oh, je ne voudrais pas te déranger plus alors ! » Annonçais-je avec un sourire gêné. Surtout que nos échanges ne devaient jamais être une partie de plaisir pour elle. Et puis après tout, elle ne s’attendait absolument pas à tomber sur moi, à la base.

Tiphanie avait fait des efforts avec Hoda à la naissance des jumeaux. C’était sérieux avec Benjamin, ils allaient élever leurs jumeaux ensemble et Tiphanie ne voulait pas compliquer la situation. Ça avait été le seul moment où la relation n’avait pas été trop tendue entre Hoda et Tiphanie. Puis Hoda était partie, laissant Benjamin seul avec les jumeaux. Autant dire qu’à partir de là, la jolie blonde n’avait plus fait d’effort. Elle ne comprenait pas qu’on puisse laisser ses enfants derrière soi, même pour une carrière. Peut-être était-elle fermée d’esprit sur le sujet mais elle avait du mal à apprécier Hoda après ça.

Malgré tout, elle ne le montrait pas devant Mathéo et Hugo. C’était des problèmes d’adultes et ils n’avaient pas à subir ce genre de tension. Hoda devait être du même avis puisque les deux jeunes femmes restaient calmes et maintenaient les apparences l’une face à l’autre. C’était hypocrite certes, mais Tiphanie préférait être hypocrite et préserver les jumeaux que d’être honnête et les blesser. Ça ne semblait pas plaire à Hoda que les jumeaux aient pu passer du temps avec la jeune femme, qu’ils aient pu jouer dans sa piscine, s’amuser ensemble. Mais elle devait bien se rendre à l’évidence, elle s’attendait à quoi en partant à l’autre bout du monde ?

Les enfants s’étaient un peu éloignés pour jouer au parc. Elles pouvaient encore les voir mais au moins, ils ne pouvaient pas les entendre. C’était sans doute mieux comme ça. Hoda lui confirma que son retour était définitif. C’était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne, parce que les jumeaux ont besoin de leur mère et c’est une bonne chose qu’elle soit là pour eux. Mauvaise, parce que Tipihanie ne la portait pas spécialement dans son cœur. Elle n’était pas sûre que ça plaise à Benjamin non plus. Ça avait dû lui faire un coup de savoir Hoda de retour.

Hoda la remercia tout de même d’avoir été présente. C’était déjà ça. Mais pour Tiphanie c’était normal. Benji était son meilleur ami, elle était la marraine de Hugo et elle avait toujours adoré les enfants. Ce fut au tour de la jeune mère de poser des questions sur la vie de Tiphanie. Elle cherchait sûrement à savoir quelle était sa relation avec Benjamin, qu’est-ce qui s’était passé dans sa vie. Quand Tiphanie expliqua qu’elle avait beaucoup de travail mais pour une fois du temps libre, Hoda sauta sur l’occasion. Si elle était supposée rejoindre Calum, rien ne la retenait, Hoda ne voulait pas la déranger plus longtemps. Forcément… Tiphanie aurait dû se douter. « Je le vois tous les jours, je peux bien le rejoindre plus tard. Voir les jumeaux ne me dérange jamais… surtout que ça fait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion. Pour tout t’avouer, je ne pensais pas les croiser, parce que je ne pensais pas que Benjamin te laisserait seule avec eux… »

Evidemment, les jumeaux se devaient de rester en dehors de cela. De toute façon, ils étaient encore trop petits et pas assez espiègles pour avoir envie de nous écouter discuter. Ils ne comprendraient pas. Et je ne voulais pas leur imposer une mauvaise image de moi. Ils avaient tout à fait le droit d’apprécier Tiphanie même si ça n’était pas mon cas. Je jetais un coup d’oeil vers eux. Tout allait bien, ils jouaient calmement en discutant tous les deux. J’avais envie de fondre en les voyant comme ça. Si mignons.

J’avais tenté de saisir l’opportunité que je jugeais parfaite pour me détacher de cette conversation. Si Tiphanie devait rejoindre Calum, qu’elle y aille, je ne la retenais pas. Cette situation était embarrassante et de toute façon cette discussion n’allait mener nul part… Seulement la blonde ne semblait pas décider à me laisser tranquille, même si elle faisait l’air de rien. Elle disait être contente de voir les jumeaux. J’eus envie de lever les yeux au ciel mais me retenais par politesse. Sérieusement ? Ne pouvait-elle pas attendre qu’ils soient chez Benjamin pour les voir ? Moi qui voulait passer un moment tranquille entre mère et fils, voilà que j’allais devoir vraiment revoir mes plans si cette discussion s’éternisait.

Sa dernière phrase me fit l’effet d’un coup de poing et je ne cachais pas ma surprise, haussant les sourcils, fixant son regard. Pardon ? Avais-je bien entendu ? Je remettais alors tout en doute. Benjamin ne me faisait pas confiance à ce point là ? Me savoir là avec ses enfants le faisait stresser ? Je pensais pourtant que nous prenions un tout nouveau départ, certes je devais faire mes preuves, mais j’étais une femme assez responsable pour m’occuper de mes enfants le temps d’une journée. « Excuse moi mais pourquoi ? Tu estimes que je ne sais pas m’en occuper peut-être ? » Je retenais réellement ma colère. C’était difficile, piquée à vif comme ça. « Tu sais, tu t’imagines peut-être avoir une place d’or dans le coeur de Benjamin, mais au final il était peut-être simplement soulagé d’avoir une aide pour s’occuper de nos enfants. Et malgré tout ça, tout tes efforts Tiphanie, tu ne seras jamais leur mère. » Je croisais les bras sur ma poitrine, un air de défi s’affichant finalement sur mon visage.

Un jour peut-être arriveraient-elles à se comprendre. Mais ça semblait compromis. Peut-être que Hoda et Tiphanie étaient trop différentes, pas les mêmes buts, les mêmes ambitions ou même priorités. Elles ne sont peut-être pas faites pour s’entendre, qui sait. C’est quand même dommage, vu que Tiphanie était la meilleure amie de Benjamin, la marraine d’un des jumeaux, ce n’était pas comme si elle n’était pas liée à leurs vies et qu’elles n’allaient pas être amenées à se croiser.

Mais, même si Tiphanie était prête à faire des efforts, elle avait ses limites elle aussi. Et Hoda semblait être du même avis qu’elle. Elles ne s’appréciaient guère mais faisait une trêve en présence des enfants ou de Benjamin. Ça ne servait à rien de les embarquer là-dedans ou de leur faire supporter leur mésentente. D’où le fait que les enfants jouent plus loin. Le hasard faisait quand même bien les choses. Non pas qu’elle était spécialement contente de voir Hoda mais elle était heureuse de voir Mathéo et Hugp. Avec le boulot, elle n’avait pas eu l’occasion de beaucoup les voir dernièrement.

Hoda semblait s’impatienter et tentait sûrement de lui faire comprendre qu’elle préférait qu’elle parte. Mais Tiphanie trouvait dommage de partir à peine avait-elle croisé les jumeaux. Avant, elle les voyait quasiment tous les jours, quand Benji et elle étaient en colocation. Ça faisait bizarre de ne plus les voir aussi régulièrement. Tiphanie ne pouvait s’empêcher d’être étonnée. Elle n’aurait pas cru que Benjamin aurait laissé les jumeaux avec Hoda si peu de temps après son retour. Cette phrase fit sortir Hoda de ses gonds visiblement.

Elle s’énerva contre elle, lui demandant si elle considérait qu’elle ne savait pas s’occuper de ses propres fils. Tiphanie fronça des sourcils. Ce n’était pas ce qu’elle avait dit, elle détournait ses mots. Sauf qu’Hoda était lancée. Elle lui dit qu’elle n’avait servi qu’à soulager Benjamin quand il avait besoin d’aide, c’est tout. Elle ne serait jamais leur mère. Tiphanie leva les yeux au ciel. « Va falloir que tu te calmes parce que je n’ai jamais dit ça. Tu sais t’en occuper, quand t’es là. Je pensais juste pas que Benji te les laisserait autant de temps sans être certain que tu ne disparaisses pas à nouveau. Pour Hugo et Mathéo. C’est tout ». Ça ne devait pas être facile de lui faire confiance alors qu’elle l’avait laissé seul avec deux bébés pour partir en Europe pour ses ambitions. « Je ne suis pas leur mère, je ne veux pas l’être. Mais ne viens pas me reprocher d’avoir été là pour eux et pour Benjamin quand toi tu étais sur un autre continent pour je ne sais quelle étude ou ambition. »

Me les laisser autant de temps ? J'étais tout de même leur mère ! Elle pensait quoi exactement ? Que je pourrais les voir une heure par jour, comme on rend visite à un prisonnier ? Avec Benjamin, nous avions discutés suffisamment et mis les points sur les i. Il savait pertinemment que je pouvais m'occuper des jumeaux. Et il savait aussi que j'étais de retour définitivement, que je ne faisais pas tout ces efforts dans le vide. Mais Tiffany tenait à appuyer là ou ça faisait mal. A lancer innocemment quelques piques, feignant l'étonnement. « Eh bien justement. On a discuté avec Benjamin. Il me fait confiance, sur ce coup là, je ne vais plus décevoir personne. » Lançais-je, sure de moi, croisant les bras comme pour soutenir mes propos.

"Je ne sais quelle étude ou ambition". Elle disait ça d'un air tellement condescendant. Comme si une carrière ne représentait rien dans une vie. On ne doit pas s'arrêter de vivre une fois que l'on a des enfants. On se doit de penser un peu à soi également. J'avais toujours su et dit à mon entourage que je souhaitais une longue carrière, un bon travail, dans le domaine qui m'intéressait le plus. Ils avaient toujours su que j'irais jusqu'au bout. Certes, le temps passé en Europe n'était au départ pas dans mon programme, mais j'avais simplement saisi une opportunité. Il aurait fallu être fou pour ne pas le faire. « J'ai eu mes enfants jeunes. Les études à peine entamées. Il semblait logique de les finir. Au moins on ne pourra pas me reprocher de ne pas leur offrir une belle vie. » Avec un diplôme de sciences politiques en poche, plusieurs opportunités d'emplois bien gradés allaient s'offrir à moi. « Mais laisse tomber Tiffany. Tu ne peux simplement pas comprendre. » Je lui tournais alors le dos, me dirigeant vers mes enfants.

« Hugo, Mathéo, on y va ! Ca vous tente un ciné ? » Demandais-je à mes enfants qui hochèrent la tête en descendant des jeux. Je priais simplement pour que Tiffany lâche l'affaire et qu'elle ne revienne pas en remettre une couche. Je n'avais pas besoin de ça. Je voulais simplement passer du temps avec les jumeaux. Qu'elle s'en aille, qu'elle m'oublie, elle a sans doute mieux à faire ce week end que de me détruire le moral...