24/09/1992 :
C’est la première fois que tu ouvres les yeux sur ce monde si froid et si lugubre dans lequel tu viens d’être jetée. Tu ne comprends pas ce qu’il se passe, pourquoi t’as t’ont projetée ici alors que tu étais bien au chaud dans un autre monde juste avant. Mais tu es trop jeune pour saisir l’importance de ce moment, tu es même trop jeune pour tout ce qui t’entoures, ton cerveau n’est même pas encore complétement terminé et la seule chose que l’on te demande c’est de hurler pour signifier que tu es en vie. Tu ignores complétement à quel point ce cri est capital pour toutes les personnes qui t’entoure mais tu le fais quand même parce qu’on te trimballe de partout et aussi parce qu’il fait froid là où tu es.
Tu viens de naitre mais ça tu n’en as pas conscience, tu n’as pas conscience non plus que tu es pour ta maman une promesse de bonheur et qu’elle te donnera un amour inconditionnel toute sa vie. D’ailleurs où est-elle ta maman ? Tu ne sais pas, tu as peur alors tu pleures à nouveau et puis on te place dans de nouveaux bras et là tu la reconnais, cette odeur, cette sensation de douceur et d’amour, tu es en sécurité maintenant, tu es dans les bras de ta maman. Cette maman qui a toujours désiré un enfant mais qui aurait rêvé que tout se passe d’une autre manière. Car oui tu l’ignores encore mais il ne te sert à rien de chercher une autre odeur, celle de ton papa car il n’est pas là et ne sera pas là pour le reste de ta vie. Mais pour le moment tu t’en fiches d’être la fille d’une liaison illégitime, tu t’en fiches de n’être voulue que par ta maman, tu t’en fiches que ton papa ne connaisse même pas ton existence, la seule chose qui t’importes c’est cette odeur douce et apaisante qui te berce et te permet de fermer à nouveau les yeux dans un monde chaud et sécurisant. Tu sens quelques gouttes de liquide sur ton petit visage mais tu ne sais pas ce que c’est et tu t’en fiches, tu veux juste retourner dans ton petit monde tranquille alors tu laisses ta maman pleurer de joie et de tristesse confondues et tu t’endors paisiblement dans ses bras.
03/09/1995 :
Tu as désormais deux ans et demi, bientôt trois ans. Tu as suivi ta maman pendant ces quelques années mais désormais il est temps que tu te fasses de nouveaux amis. En tout cas c’est ce que ta maman te dit. Toi, tu n’as pas envie d’y aller, tu es déjà passé quelques fois devant l’école de Phoenix et cela ne te tente pas, tu veux rester près de ta maman et continuer à jouer avec les animaux de la maison où elle travaille. Pourquoi devrais-tu aller vers des enfants que tu ne connais pas alors que tu es heureuse comme tu es ? Apparemment tu n’as pas le choix et ce matin, ta maman te fait un dernier bisou avant de t’abandonner devant l’école. Tu es perdue. Il y a trop de gens, trop de mouvement, trop de tout, tu n’as pas l’habitude alors tu te mets à pleurer à chaudes larmes. Tu remarques des enfants qui se moquent de toi alors tu pleures encore plus. Mais un des enfants ne se moque pas de toi, il vient même vers toi et te propose de faire de la corde à sauter. Tu n’en as jamais fait et tu as encore les yeux tout bouffis mais tu acceptes car il a l’air gentil cet enfant. Tu joues avec lui pendant cette première récréation et puis tu t’installes à côté de lui en classe. Tu ignores que tu vas finir par passer toutes tes récréations avec lui et que jusqu’à la fin du lycée, vous serez à côté en classe. Tu ignores en fait que tu viens de trouver ton âme sœur, ton toi au masculin et que vous allez devenir les meilleurs amis du monde.
06/11/1997 :
Cinq ans, c’est l’âge que tu as maintenant. Tu n’as plus peur de l’école et tu t’es fais plein d’amis. Mais aujourd’hui c’est jour de grève et ta maitresse fait parti des mécontents. Tu n’as donc pas cours. Tu es donc obligée de suivre ta maman dans la maison où elle travaille maintenant. C’est la première fois que tu vas rencontrer les nouvelles personnes qui emploie ta maman depuis quelques mois déjà. Tu arrives avec elle sur les lieux et tu découvres une magnifique maison en pierre rouge accoudée à une énorme écurie. Oui, ta maman travaille désormais en tant que femme de ménage pour les propriétaires de l’écurie. Elle t’a déjà dit qu’ils étaient gentils et que tu devais toi aussi être gentille avec eux mais tu ne pensais pas qu’ils te proposeraient d’aller voir les écuries avec eux. Tu demandes la permission à ta maman qui accepte sans problème. Tu découvres alors un univers merveilleux. Des grands, des petits, des moyens, des noirs, des blancs, des marrons et même parfois des mélanges de toutes ces couleurs, l’écurie possède des chevaux de tout types. Tu ne vois même pas le temps qui passe à te promener à travers tout ce petit monde. Tu caresses les chevaux qui passe la tête à travers la porte du box pour te dire bonjour. Tu regardes avec admiration les cavaliers qui enchainent les obstacles et qui maitrisent avec élégance ce grand animal qui les porte avec grâce. Tu ne sais pas pourquoi mais tu pourrais rester ici toute la vie. Tu as envie de refaire un tour mais il est déjà l’heure de repartir, tu es triste car tu sais que tu ne reverras pas de sitôt de si beaux animaux. Ta maman comprend que tu es triste et que tu aimerais pouvoir rester ou au moins savoir que tu peux revenir mais elle ne peut te le promettre. Alors tu remontes dans la voiture, la mort dans l’âme et tu rentres avec ta maman chez toi après cette journée merveilleuse. Ce que tu ne sais pas, c’est que les propriétaires de l’écurie ont aussi vu que tu étais triste de repartir.
13/11/1997 :
Cela fait une semaine que tu as découvert le monde du cheval et tu ne peux t’empêcher d’en parler à ta maman. Elle a bien compris que cela te rendait heureuse d’en parler. Elle veut te faire une surprise en t’inscrivant à des cours d’équitation mais malheureusement ces derniers coûtent extrêmement cher et elle ne peut pas te les offrir. Alors elle est triste de ne pas pouvoir t’offrir ce qui te rends heureuse. Plus tu en parles, plus elle est triste mais tu ne le remarques pas car toi tu es trop contente de pouvoir parler de ce sujet qui t’enthousiasme. Mais aujourd’hui, c’est jeudi et tu dois aller en cours, tu es triste qu’il y ait école car tu sais que c’est le jour où ta maman va travailler à l’écurie et que tu préférerais largement aller avec elle que de t’ennuyer devant un cahier d’écriture.
Tu reviens après quelques heures de cours et ta maman est déjà là, rayonnante. Tu te demandes pourquoi elle a un sourire comme ça alors que ce matin, elle était plutôt éteinte. Elle t’annonce alors la bonne nouvelle, les propriétaires de l’écurie accepte de t’inclure dans l’un de leurs cours pour enfant. Tu exploses de joie. C’est pour toi le début d’une toute nouvelle aventure et tu ignores encore à quel point cela va prendre de l’importance dans ta vie. Mais tu ignores aussi que ta mère à accepter de réduire son salaire pour que tu es le droit à ces cours. Tu es comme beaucoup d’enfants dans ce monde, tu ignores le sacrifice que les parents font pour le bonheur de leurs enfants.
24/09/2008 :
Tu as désormais seize ans. Tu n’es plus la petite fille effrayée que tu pouvais être à trois ans, loin de là. Tu sais ce que tu veux et tu es déterminée à l’obtenir. Et ce que tu veux, c’est partir de ce fichu lycée. Les cours ne t’intéressent pas. Tu as même quelques peu délaissé l’équitation alors que tu y passais des journées entières quelques mois plus tôt. Tu rejettes ta mère de ta vie. Tu es une vraie adolescente en soit et aujourd’hui, alors que tu fêtes ton seizième anniversaire, tu obtiens également le droit de conduire une voiture. Droit que tu prends immédiatement en empruntant la voiture de ta mère sans son autorisation. Tu as envie de te rebeller, de montrer que tu existes. Tu as aussi envie de faire la belle devant un certain garçon au grand dam de ton meilleur ami qui ne comprends pas comment tu peux craquer pour ce bad boy insignifiant, qui plus est en dernière année et quater back. Il te traite de cliché mais tu t’en fiches, tu veux simplement attirer son attention. Et en jour, tu vas y arriver. Il va même te souhaiter ton anniversaire, tu n’y crois pas, tu dois être dans un rêve. Tu l’ignores encore mais ce rêve sera ta première histoire d’amour, tu t’y plongeras totalement pendant huit mois, huit mois où tu perdras ta virginité mais aussi où tu laisseras de côté tes amis, ta mère et le cheval. Huit mois où tu ne seras pas réellement toi-même, tu ne seras que l’ombre de ton petit-ami. Et ce rêve s’achèvera brutalement quand tu découvriras que l’homme parfait n’était qu’un connard qui se faisait le plus de filles possibles pendant que tu étais l’officielle. Tu ne sais pas encore que ce rêve se terminera en cauchemar te causant pleurs et insomnie mais que grâce à ce rêve, tu sauras ne plus jamais retomber dans le panneau d’une relation unilatérale.
07/02/2013 :
Tu es presque majeur désormais. L’école n’était vraiment pas faite pour toi alors tu as arrêté une fois le diplôme de fin d’études en poche. Tu as choisi de te consacrer à ta passion. Tu as désormais un bon niveau et les propriétaires de l’écurie dans laquelle tu montes depuis tes cinq ans t’ont même confié un cheval pour les concours. Tu n’es qu’à un niveau régional mais tu ne désespère pas de passer en national bientôt. Pour payer tes cours et ton équipement, tu travailles à l’écurie en tant que palefrenière, tu adores ce métier car c’est celui qui te permet d’être le plus en contact avec les animaux que tu chéris tant. Tu te prépares également à passer ton diplôme de monitrice pour aider ton patron à donner des cours. Tu es heureuse, ta vie est un fleuve tranquille qui te plait et qui te donnes envie de te lever chaque matin. Tu n’as jamais quitté Phoenix plus de deux jours pour les concours mais tu aimes beaucoup cette ville donc cela ne te gêne pas de ne pas avoir vu le monde.
Mais il parait que le destin est traitre et tu vas en faire l’amer expérience lorsqu’au milieu de la journée, ton téléphone va sonner. Tu sais que tu n’attends pas d’appel mais peut-être est-ce un ami ou une pub. Mais malheureusement pour toi, ce n’est pas ça. Il s’agit de l’hôpital. En revenant de la maison où elle travaillait, ta mère a eu un accident. Tu dois venir d’urgence à l’hôpital mais les médecins ne veulent pas t’en dire plus, ils ne veulent pas te dire comment elle va, ni les circonstances de l’accident. Tu n’apprendras que plus tard qu’un abruti en Bentley roulant à 150 sur une route à 90 avait pris un virage au milieu de la route, rencontrant ta mère de pleine face. Ton sang ne fera qu’un tour lorsqu’au tribunal, tu reconnaitras l’abruti en question qui était ton premier amour de lycée. Et lorsqu’il plaidera homicide involontaire tu seras escortée hors de la salle pour avoir manquer de l’étrangler devant tout le monde. Ta mère ne survivra pas à l’accident mais dans ses derniers instants que tu partageras avec elle, elle t’avouera qui était ton géniteur et pourquoi elle ne te l’avait jamais dit avant malgré tes nombreuses questions durant ton enfance. Elle te dira aussi à quel point elle t’aime et sa fierté de voir sa fille aussi heureuse malgré les épreuves qu’elle avait traversé. Ces dernières paroles, tu les auras enregistrées pour ne jamais les oublier et pouvoir les écouter quand tout va mal. Cette carte mémoire, tu la porteras sur toi à chaque moment, à chaque instant car elle se trouve dans le collier que tu portes chaque jour autour du cou.
15/12/2013 :
Cela fait maintenant quelques semaines que le procès est passé. Tu as récolté un pactole mais ce n’est pas cela qui t’importes, ce que tu voulais c’est que justice soit faite et que celui qui t’avait injustement privé de l’amour d’une mère soit envoyé en prison pour le reste de ces jours. Résultat des courses et au vu de la richesse de sa famille, il n’avait eu le droit qu’à cinq ans avec sursis dont trois mois de prison ferme. Tu étais amer de cette décision. Il t’avait privé de l’amour de ta mère, de la seule famille que tu avais toujours connue et pour cela, il ne passerait que trois petits mois derrière les barreaux alors que tu pleurerais ta mère pour le restant de tes jours.
Mais tu n’oublies pas non plus les dernières paroles de ta génitrice. Tu sais désormais qui est ton père et tu ne comptes pas rester avec cette information sans rien faire. C’est pourquoi après des mois de recherches, tu es devant sa porte aujourd’hui à te demander ce que tu fais là et ce que tu vas découvrir derrière la porte. Le luxe de l’immeuble est visible dès le hall d’entrée et tu te doutes très vite que ton père ne vit pas dans la misère. Tu te rends également compte que s’il vivait dans tant de luxe alors que ta mère et toi viviez en comptant chaque sou, c’est que ce ne doit pas être l’homme le plus généreux ni même le plus concerné par ton existence du monde. Tu toques à sa porte et tu reçois un grand coup dans le derrière en découvrant un vieil homme qui te ressemble vaguement et qui n’a aucune idée de ton existence. Tu passes plusieurs heures à lui prouver par a+b que tu es bien sa fille. Il semble finir par te croire mais te mets à la porte car il ne veut rien savoir de plus et surtout il ne veut pas que tu lui demandes de l’argent. Tu as le cœur brisé. Tu te fiches de savoir qu’il est riche, tu l’es aussi désormais et tu ne veux pas de son argent, tu veux une famille.
Durant les semaines qui suivent, tu tentes désespérément de le revoir et de créer un lien avec lui mais rien à faire, sa télé, son argent et son alcool semblent plus important que toi et la possibilité d’une famille. Alors tu décides d’abandonner, tu préfères te construire ta propre famille avec les amis que tu t’es choisie plutôt que de t’entêter avec un vieil alcoolique, borné et mal luné 24h sur 24. Tu prends donc la décision de ne jamais le revoir mais en sortant de l’immeuble, le gardien t’apprend une nouvelle des plus bouleversantes. Tu te souviendras toujours de ses mots prononcés à la va-vite : « Vous savez mademoiselle, plus personne ne vient le voir, même son fils à arrêter il y a quelques années maintenant… ». Son fils ? Alors comme ça, cet homme n’était peut-être pas la seule famille qu’il te restait. Tu décides de mener des recherches pour retrouver ce frère perdu. Tu ne sais pas qui il est mais tu sais une chose, tu ne laisseras pas passer une chance de retrouver tes origines et une famille.
19/03/2014 :
Après plusieurs mois de recherche, tu as fini par trouver celui que tu cherchais. Riley, voilà comment il s’appelle, celui que tu n’as jamais eu la chance de connaitre, celui avec qui tu n’as pas pu jouer pendant des heures et te chamailler à la maison, celui que tu n’as jamais pu serrer entre tes bras ou imiter alors qu’il faisait une bêtise, celui qui n’a jamais été ton rock, ton pilier, ta bouée de sauvetage quand tout allait mal, celui qui malgré tout cela, partage le même sang que toi. Tu t’imagines des dizaines de scénarios maintenant que tu sais où il travaille. Des scénarios où il connait ton existence par un quelconque miracle, d’autres où il refuse de te parler en pensant que tu n’en veux qu’à son argent comme cet affreux bonhomme que tu n’appelleras jamais papa et enfin les plus optimistes où il accepte de te parler et de comprendre qui tu es. Tu es stressée alors que tu pénètres dans l’hôtel le plus luxueux qu’il ne t’a jamais été donné de voir. Il y a quelques mois, tu n’aurais pas pu t’offrir ne serait-ce qu’une nuit dans cet hôtel sans y entrainer ton salaire du mois mais désormais tu peux. Tu as encore du mal à utiliser cet argent car il te rappelle ce que tu as dû perdre pour l’obtenir et cette douleur au fond de ton cœur, ce vide incommensurable que rien ni personne ne pourra jamais reboucher.
Mais tu l’utilises quand même, tu as envie d’aller jusqu’au bout de ton envie irraisonnée de rencontrer cet homme que l’on a voulu te présenter comme ton demi-frère. Tu entreprends de rejoindre ta chambre en prenant l’ascenseur. Même la musique et la moquette de l’ascenseur te semble luxueuse, rien à voir avec ton quotidien qui est plutôt bottes pleines de terre et musique de radio pour passer le temps. Un jeune homme se glisse dans l’engin juste avant que les portes ne se referment, tu lui souris sans plus prêter attention à son visage. Mais quelques secondes plus tard lorsqu’il te demande si l’hôtel te plait et que tu lui réponds que tu n’as jamais vu un hôtel aussi beau, tu lèves les yeux vers lui et découvre un jeune homme charmant dont les yeux te sont familier car ce sont ceux de ton père, ces yeux bleus perçants au milieu d’un visage ferme et d’une chevelure noire. Tu en as le souffle coupé mais pas pour longtemps car tes doutes sont confirmés par le jeune homme qui t’annonces être le propriétaire de l’hôtel et s’appeler Riley. Il tend une main vers toi mais tu es incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt.
Il semble un peu penaud la main tendue et toi ne répondant pas. Il te demande même comment tu t’appelles pour te réveiller et toi tu ne trouves rien de mieux à rétorquer que « C’est toi… ». Il ne comprend pas, semble désorienté mais ce n’es que le début. Tu le regardes de nouveau alors qu’il baisse la main, toujours dans l’incompréhension la plus totale. Tu le fixes dans les yeux et lui avoue d’une traite la vérité que ton cœur et ton cerveau ne peuvent plus retenir. « Je m’appelle Jamie Sanchez, je suis ta sœur… Enfin ta demi-sœur pour être exacte… On a le même père… » Tu le regardes perdre peu à peu ses moyens et tu demandes lequel des scénarios imaginés plus tôt va se concrétiser.
Au début, il ne se passe rien, un long moment de battement silencieux interrompu par l’ouverture des portes à un étage. Quel étage ? Aucune idée mais cela n’a pas d’importance car aucun de vous deux ne sort, trop bouleversé par la nouvelle pour l’un, trop désireux d’avoir une réaction pour l’autre. Il finit par prendre la parole. Il n’y croit pas, comment pourrait-il avoir une sœur et ne pas être au courant ? Tu essayes de lui expliquer mais il ne veut rien entendre à ton plus grand regret. Tu commences à perdre patience et à te dire que tout cela n’a servit à rien, que tu n’auras jamais de nouvelle famille quand ce dernier te demande le nom de ta mère. Tu lui donnes et le visage du jeune homme se transforme. La colère et la déception se lisent sur son visage. Ce n’est pas de la colère ou de la déception d’avoir une sœur, tu le découvriras dans la suite de cette entrevue mais la colère envers un père violent et méchant qui en plus de tous les maux commis venait d’ajouter adultère à une liste déjà trop lourde à porter pour un fils.
Tu ne resteras finalement pas à l’hôtel ce soir-là, trop d’émotions pour être loin de chez soi. Tu reverras cependant ton demi-frère dès la semaine suivante et progressivement, vous commencerez à lier une amitié fraternelle puis un vrai lien fraternel quelque peu faible cependant de part le manque de ces années qui forment les relations fraternelles, les années de l’enfance…
15/01/2018 :
Tu es désormais monitrice d’équitation dans le centre où tu as toujours monté. Tu noues des liens de plus en plus fort avec ce demi-frère que tu apprends à connaitre depuis quelques années maintenant. Tu as même progressé en niveau national et les concours s’enchainent aux quatre coins du pays. Mais voilà, il faut croire que le destin n’aime pas que ta vie soit un long fleuve tranquille. En même temps, pourquoi t’aventurer dans cette allée sombre. Alors oui, cela te fait gagner une bonne quinzaine de minutes de marche pour rentrer chez toi mais en pleine nuit après une soirée, qui a vraiment envie d’économiser quinze minutes en s’aventurant dans un coupe-gorge ? Toi, apparemment. Mais avec tes écouteurs et ta musique pop à fond dans les tympans, tu n’as pas entendu que tu étais suivie, tu n’as pas fait attention que lorsque tu tournes dans l’allée, tu donnes une chance à celui qui te suit de commettre son macabre dessein. Tu ne t’en rends compte que lorsque deux mains viennent d’agripper par la taille pour te coller au mur. Tu ne comprends pas ce qui se passe, tu as le souffle coupé face à la violence du geste et l’incompréhension. Mais ne t’en fais pas, rien ne sert de retrouver ton souffle pour hurler, celui qui te fait face à déjà poser sa main sur tes lèvres pour t’empêcher de prononcer le moindre son. Tu ne sais pas ce qu’il veut, tu penses que tu vas mourir, après tout, il y a toujours un serial killer qui rôde dans Phoenix. Mais tu n’es pas son type de proie habituel, tu ne consommes pas de drogue, tu n’en vends pas non plus alors pourquoi toi ?
Tu comprends vite qu’il ne s’agit pas du serial killer quand tu sens la main de ton agresseur se faufiler sous ta robe. Non, tu comprends que c’est autre chose que te tuer que cet homme veut faire. Tu comprends que c’est ton innocence toute relative qui l’intéresse. Tu paniques, tu gémis, tu essayes de te débattre mais à quoi bon ? Même complétement bourré il reste plus fort et plus solide que toi. Tu es prête à abandonner la bataille alors que son corps se presse un peu plus contre toi mais un dernier regain d’espoir te fait retrousser les lèvres et mordre de toutes tes forces dans cette main qui te musèle depuis maintenant quelques secondes. Surpris, ton agresseur retire sa main, tu en profites pour hurler à plein poumons. Qu’hurles-tu ? Tu n’en sais rien, tu ne sais même pas dans quelle langue tu hurles mais tu hurles car tu as l’impression que ce hurlement est la seule chose qui te sépare encore de l’irréparable. Mais bien vite, la main de l’homme, pleine de sang revient vers toi, pas pour te museler à nouveau mais pour t’asséner une gifle qui te laisse avec un goût amer de fer dans la bouche. Tu as le souffle coupé par la violence du mouvement mais tes larmes, elles, ne s’arrêtent pas de couler le long de tes joues.
Tu penses que tout est perdu mais ton cri n’a pas été vain et un autre jeune homme entre dans l’allée. Il comprend bien vite ce qu’il se passe et assène un coup sec à la nuque de ton agresseur qui tombe sans ménagement au sol. Il se relève rapidement cependant et prend la fuite avant que tu ne comprennes que c’est fini, que l’irréparable n’a pas été commis mais que tu ne seras jamais plus la même pour autant. Tu tombes au sol, trop d’émotions, tes jambes refusent de te porter. Ton sauveur s’approche de toi mais tu rampes pour t’éloigner de lui. Qu’est ce qui te dit qu’il ne va pas finir le travail de l’autre ? Il a beau essayer de te rassurer en te disant son nom et d’où il vient, tu n’as pas envie de le croire, tu t’éloignes encore. Il décide d’appeler les secours car oui, tu n’en n’as pas conscience mais tu es en état de choc. Les policiers et les pompiers arrivent. Tu montes dans le camion de pompier sans trop de problème, à croire que la vue de l’uniforme suffit à leur faire confiance. La policière aimerait que tu lui expliques ce qu’il s’est passé mais tu nie de la tête. Pourquoi ? Parce que malgré tout, tu n’arrives pas à te rendre compte de ce qu’il s’est passé, tu trembles, tu pleures toujours mais surtout tu n’arrives pas à sortir un mot. Tu as froid, tu as chaud, tu ne sais pas, tu veux juste disparaitre et tout oublier mais tu ne peux pas, c’est arrivé et cela t’est arrivé à toi…
Tu finis par t’endormir sous les calmants à l’hôpital. Tu trembles toujours durant ton sommeil mais en te réveillant, tu as retrouvé la parole. Et même si dans la nuit, les médecins ont réussi à retrouver qui tu étais et d’où tu venais, tu peux leur donner tous ces détails à ton réveil. Ils ont l’air soulagé, pas toi. Qu’est-ce que tu vas devenir ? Comment se remettre de ça ? Tu trembles encore et tu refuses qu’on appelle ton demi-frère pour le prévenir de ce qu’il s’est passé. Tu refuses que qui que soi soit au courant. Tu oublies un instant qu’une personne est au courant, ton sauveur mais tu as oublié de qui il s’agissait, lui en revanche, aura certainement du mal à oublier ce qu’il a vu et ce qu’il a empêché. Tu vas devoir te reconstruire mais comment le faire alors que chaque rue, chaque route, chaque boîte te rappelle la nuit dernière ? Alors tu fuis, tu t’en vas, tu ne dis rien à personne et tu t’en vas à l’autre bout du pays. Tu ne regardes pas en arrière, tu laisses toute ta vie derrière toi. Tu sais que certaines personnes vont s’inquiéter mais tu n’as pas la force, pas la volonté de leur dire où tu vas et pourquoi tu le fais. Tu sais que tu vas recevoir des messages et des appels mais y répondras-tu, rien n’est moins sûr. Tu sais aussi que tu risques de te faire virer mais tu t’en fiches. Ton seul souhait pour le moment, c’est de disparaitre car si on existe plus, que peut-il nous arriver de mal ?
19/04/2018 :
Trois mois, cela fait plus de trois mois que tu t’es enfui, que tu as choisi de tout laisser. Tu pensais que cela t’aiderait à aller mieux, à arrêter les tremblements et les pleurs incessants, à stopper cette peur du noir, des rues et de sortir mais tout ça n’était que mirage. Tu n’es que l’ombre de toi-même. Tu ne pleures plus, c’est vrai. Tu ne trembles plus, c’est vrai aussi. Mais la peur est toujours présente. Tu ne sors presque plus et tu ne quittes jamais les rues bondées. Tu évites tous les hommes qui croisent ton chemin, même les adolescents boutonneux tu préfères les éviter. Tu as des sauts d’humeur, tu peux parfois être souriante et amicale et tout ça disparait d’une traite, ce sourire ne réapparait pas avant plusieurs jours. Tu es presque invivable, pas tant pour les autres que pour toi-même. Tu ne te reconnais plus et tu sais que tu dois y faire quelque chose si tu ne veux pas sauter du prochain pont qui se trouvera sur ta route. Alors tu prends une décision lourde de conséquence. Tu choisis d’affronter de pleine face ta peur, tu choisis de retourner là où tout a commencé, tu choisis de quitter ce trou paumé au beau milieu du Wisconsin qu’est le comté de Jefferson. Tu montes dans l’avion, les tremblements reprennent. Les passagers te regardent avec compassion, ils pensent que tu as simplement peur de l’avion mais malheureusement pour toi, cela va un peu plus loin que ça. Tu atterris à Phoenix après quelques heures de vol. Au même titre que tu n’as prévenu personne de ton départ, tu ne préviens personne de ton retour. Tu as changé et il n’est pas certain que tes anciens amis arrivent à te reconnaitre et à t’apprécier. En effet, comment pourraient-ils t’apprécier alors que tu ne t’apprécies plus toi-même ? Tu sais que tu devrais voir un spécialiste mais tu ne t’y résous pas, tu n’es pas folle, tu es juste brisée...